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ECOLE : La bataille du samedi libre presque
gagnée Jusqu’à aujourd’hui, le
transfert du samedi au mercredi s’appelait le “serpent de maire”. Delanoë
et son adjoint Eric Ferrand ont mis le turbo. Décision finale après
Noël.
Samedi sans école : après
la longue marche, le sprint
Quand j’étais petit, j’allais à l’école le samedi après-midi,
raconte Eric Ferrand, 42ans, l’adjoint à la Mairie de Paris chargé
de la Vie scolaire. Et puis un jour de 1969, l’école du samedi
après-midi a été supprimée. Je n’ai pas souvenir de grands débats,
on n’a pas convoqué les chronobiologistes. Le ministre a fait voter
une loi. C’est tout.» Eric Ferrand raconte volontiers qu’il est
fils de militants de la fédération Cornec (aujourd’hui FCPE) et
qu’il a été bercé par les débats sur le temps scolaire. «J’ai
toujours entendu mes parents colloquer sur la question. Alors,
aujourd’hui, quand on dit qu’“il faut du temps pour réfléchir”, je
réponds: ça fait vingt ans qu’on débat.» Ne dites pas au maire
adjoint que la consultation sur la libération du samedi d’école a
été vite ficelée et que la Mairie refait le coup des couloirs de
bus… Il devient très prolixe et énumère les consultations, auditions
et rendez-vous qui ont eu lieu avant ces états généraux sur
l’aménagement du temps scolaire tenus les 27 et 28novembre.
Dès l’élection de Delanoë, Ferrand a été chargé du dossier
«samedi à l’école». Un engagement électoral du maire. «Un serpent
de maire», s’amuse Corine Tapiero, présidente de la PEEP et élue
d’opposition dans le 12earrondissement. Début avril, «nous étions
à peine installés», un aréopage conduit par le directeur du
rectorat, Pascal Jardin, accompagné des deux inspecteurs
académiques, vient sonder les intentions municipales. «On a
immédiatement parlé des rythmes scolaires, ça les titillait»,
raconte Eric Ferrand. Ça les inquiétait surtout. Depuis dix ans,
l’inspection est soumise aux vents contraires sur le samedi
travaillé ou vaqué. Les parents veulent le libérer, les enseignants
le maintenir. Résultat, des velléités, des avancées-reculades. 1989:
la loi Jospin «libère» un samedi sur trois. Qui devient peu à peu, à
Paris, un samedi sur deux. 1997: l’Académie resserre les boulons et
revient à un samedi sur trois. L’agitation repart. Côté parents, on
plaide l’harmonisation du temps familial. Côté enseignants, la
sérénité pédagogique du samedi matin. Et l’Eglise catholique tient à
garder garder libre le mercredi matin pour l’enseignement religieux.
Périodiquement, l’Académie réunit parents et enseignants pour
«évoquer des perspectives». Comme elle l’a fait à la rentrée
1999 ou en décembre 2000.
Mais la détermination de la
nouvelle équipe municipale, inscrite dans les délégations –Ferrand
est chargé de l’Aménagement des rythmes scolaires–, bouscule la
routine. Il est décidé de réunir, à l’invitation conjointe de
l’Académie et de la Mairie, tous les «partenaires de la communauté
éducative». «Il fallait sortir du dialogue éducativo-éducatif
», confirme Alain Geismar, conseiller au cabinet de Bertrand
Delanoë. Le 12juin, se retrouvent donc au rectorat parents,
enseignants mais aussi représentants religieux, professeurs de la
Ville de Paris (ces PVP qui enseignent les matières artistiques et
sportives dans les écoles parisiennes), animateurs et associations
diverses. Le Syndicat des Enseignants Unsa, le SE, claque la porte
immédiatement. «Nous exigeons en préalable une consultation des
enseignants et des conseils d’école», déclare Michel Delattre,
et il quitte les lieux. Depuis, le SE (29% aux élections
professionnelles de 1999) ne cesse de dénoncer l’absence de
concertation. Le Snudi-FO (16%) ne réagit guère mieux . «Depuis
quand un représentant du culte est-il un partenaire dans l’école
publique?, s’indigne Bernard Lempereur, son secrétaire général.
Tout le monde est invité, parle sur le même plan, les syndicats,
les personnalités, les associations. Nous, nous sommes attachés aux
organismes paritaires.» Passé cette mauvaise humeur, la réunion
est plutôt riche: commissions de travail à trente participants,
numéro de duettistes entre l’inspecteur d’académie Jean-Michel
Colonna et Ferrand. «Nous allons effectuer une vraie
révolution», s’emballe l’élu. «Espérons qu’il ne s’agit pas
d’une révolution astronomique qui nous ramène chaque année au même
point», sourit l’inspecteur d’académie.
En aparté, les
partenaires sont moins optimistes: «J’ai compris qu’il serait
extrêmement difficile de construire», reconnaît Ferrand.
«J’ai été inspecteur pendant vingt ans, confie Claude Guerre,
adjoint à l’inspecteur d’académie, on n’aime pas déranger les
habitudes prises. Paris est une ville conservatrice…» Surprise:
la perspective d’un changement galvanise l’énergie de certains. Le
SNUipp (34% aux élections professionnelles à Paris et majoritaire
dans les départements périphériques) s’empare des rythmes scolaires
pour justifier ses revendications et notamment son «plus de maîtres
que de classes». Résultat: une brochure de 46pages, «l’Aménagement
du temps de l’enfant», qui sert de véritable bible depuis la
rentrée. De son côté, la fédération de parents FCPE publie en
octobre un quatre-pages pour faire le point de ses contradictions
sur la question. L’instance nationale étant opposée à la semaine de
quatre jours, la fédération de Paris appuyant «un samedi sur deux»
et finalement «le temps choisi», formule qui permet une plus grande
souplesse et intègre l’aménagement de la journée. Même chose chez
les parents de la PEEP: l’instance nationale est contre la semaine
de 4jours, la PEEP de Paris plutôt pour. «On ne peut pas aller
contre la demande de nos adhérents, on doit réfléchir en tenant
compte des modes de vie parisiens », claironne Corinne Tapiero.
A la rentrée 2001, le calendrier s’accélère. L’Académie et
la Mairie parlent d’une mise en œuvre en 2002. Une Mission sur les
rythmes scolaires, dirigée conjointement par la Mairie et
l’Académie, diffuse auprès des écoles et des parents une lettre
d’information avec un coupon «Donnez votre avis». Dans bien des
écoles, le «truc de la mairie» n’a pas quitté le bureau des
directeurs: «Je ne vais pas faire la pub de la Mairie de
Paris», dit ce directeur d’école. Syndicats et associations sont
reçus individuellement à la Mairie et à l’Académie. Objectif: les
états généraux de la semaine dernière: 1000personnes invitées, des
débats, des tables rondes. «Nous déciderons après.» La Mairie
fait ses comptes: alors qu’elle paie déjà les 850professeurs de la
Ville de Paris et les décharges de directeurs des écoles de Paris,
elle augmente la dotation aux 3500animateurs, qui assurent la
surveillance du midi et des études du soir (+ 8% en 2001), aux
ateliers bleus (+ 25%) et estime à 100millions le coût des dépenses
périscolaires à renforcer quelle que soit l’hypothèse retenue.
L’instance de décision, le Conseil départemental de l’Education
nationale (CDEN), organisme paritaire cher aux syndicats
d’enseignants, devrait se réunir en tout début de 2002. Pour mener à
bien la réforme du samedi ou pour l’enterrer. En tout cas, le temps
presse.
Catherine Erhel | |
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